[Archives] Application de la loi du 26/07/2005 de sauvegarde des entreprises

Publié le 14 novembre 2006

Colloque organisé par le Conseil National des Administrateurs judiciaires et des Mandataires judiciaires

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9 minutes

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux de me trouver parmi vous aujourd’hui pour ouvrir votre colloque, qui a pour objet de tirer un premier bilan des conditions d’application de la loi de sauvegarde des entreprises. J’attache, comme vous le savez, le plus grand prix au succès de cette loi, essentielle pour les entreprises et les emplois.

Vous me donnez ainsi l’occasion de dresser avec vous le bilan de la très importante rénovation du statut de vos professions, conduite tout au long de cette législature, et de l’effort tout aussi important que, sur l’impulsion de votre Conseil national, vous avez fait, dans chacune de vos études pour améliorer votre pratique professionnelle.

J’évoquerai enfin avec confiance la feuille de route qui doit être la vôtre au cours des mois à venir pour que cette rénovation exemplaire soit achevée.

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Vous avez choisi d’analyser les principales difficultés que vous avez rencontrées dans l’application des procédures nouvelles pour, je n’en doute pas, proposer des solutions utiles. C’est en effet de l’échange d’expériences que ces solutions seront mises en évidence.
Vous avez raison, avant même la fin de la première année d’application de la loi, de clore les discussions stériles qui auraient pu naître du fait de certaines incompréhensions ou de donner, à ceux d’entre vous qui en expriment le besoin, les clefs de lecture utiles à les aider et à les rassurer.

Je sais que votre Conseil national a encouragé publiquement la construction de la loi de sauvegarde et je l’en remercie vivement. C’est à vous, en grande partie, qu’est confiée sa réussite.

Le Parlement, adoptant en cela le projet déposé par le Gouvernement, a choisi de maintenir le principe du mandat de justice comme l’une des clefs de voûte des procédures collectives. Cette option est celle qui avait été retenue par la loi du 3 janvier 2003, réformant votre statut.

Elle vous reconnaît ainsi une mission d’intérêt général qui implique pour vous un devoir de rigueur et d’impartialité. C’est en raison de cet impératif que vous êtes soumis à un contrôle rigoureux et à des règles professionnelles très strictes. Nos concitoyens doivent en être conscients.
Je peux, aujourd’hui, avec vous, dresser un bilan des réformes réalisées depuis quatre ans. Il est essentiel pour moi que ces évolutions aient pu se faire dans un tel climat de confiance réciproque.

Il vous revient en effet de mettre en œuvre cet édifice nouveau de façon qu’il apparaisse incontestable à tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, sont vos interlocuteurs, que le temps ancien qui vous a valu des critiques est absolument révolu.

La loi du 3 janvier 2003, dont vous venez, Monsieur le Président, de rappeler l’importance, a donné compétence aux mandataires judiciaires sur l’ensemble du territoire national. Cette ouverture va dans le sens que je souhaite, d’une plus grande diversification dans la délivrance des mandats de justice. Monopole et dépendance sont liés, ne l’oubliez pas.

En modifiant les conditions d’accès aux stages, la loi a permis d’ouvrir la perspective d’une admission plus aisée au sein des professions à l’issue de ce stage. Chacun reconnaît désormais les mérites de cette nouvelle orientation. Des dispositions réglementaires adapteront très prochainement ce cursus au bénéfice des anciens stagiaires des études, afin qu’il soit tenu compte de leur situation particulière.

Cette loi a renforcé la déontologie, les contrôles et la discipline de vos professions en donnant notamment la prérogative à votre Conseil national de saisir lui-même les commissions de discipline. Je vous engage très vivement à user de ce droit. Vous avez certes raison, Monsieur le Président, d’insister sur la vocation pédagogique des contrôles mais l’effort entrepris au cours des dernières années ne doit pas se relâcher. L’autorité légitime de votre Conseil n’est pas compatible avec un message de trop grande indulgence.

Je mesure l’effort qui est le vôtre pour cela. Il a produit ses fruits. Il serait bon que le public sache que chacun d’entre vous, depuis 1999, a été contrôlé au moins trois fois. Aucune autre profession juridique n’a fait un tel effort. La Commission de discipline a été appelée à intervenir chaque fois que nécessaire. Le bilan des derniers contrôles est très satisfaisant. Vous pouvez en être félicités.

La réforme de votre statut a, enfin, permis d’engager une refonte totale de votre tarif. Nous avons retenu le principe d’un prélèvement sur les intérêts qui vous sont servis par la Caisse des dépôts et consignations, permettant de rémunérer les dossiers sans actifs. En conséquence, le mauvais principe d’une compensation par des excès de rémunérations de certains dossiers, qui n’avaient bénéficié qu’à un petit nombre, a pu être purement et simplement supprimé. Le décret du 10 juin 2004 qui, par ailleurs, a modernisé l’ensemble de votre statut, a réalisé le premier volet de cette indispensable réforme tarifaire.

La gestion par la Caisse des dépôts et consignations du Fonds chargé de gérer ce prélèvement me donne l’occasion de m’adresser très spécialement et très chaleureusement à ses représentants et au directeur de ses services bancaires, Pierre DUCRET. Je sais le partenariat de la Caisse avec les administrateurs et mandataires judiciaires. Je m’associe à Monsieur le Président PICARD pour vous en remercier très vivement.

Après la réforme de votre statut, la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 a été adoptée. Elle a modifié en profondeur votre principal outil de travail. Je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir considéré comme le premier de vos engagements, celui d’appliquer cette loi avec loyauté et humanisme, en soulignant que cette réforme doit réussir car l’emploi en dépend étroitement.

Nous avons obtenu, comme vous, les premières statistiques de la part de l’A.G.S., dont je remercie le directeur, Thierry METEYE, qui compte, lui aussi, parmi nos interlocuteurs les plus précieux. Sa rigueur et son professionnalisme permettent chaque année à plus de 200.000 salariés, dont l’employeur a fait défaut, de bénéficier d’une indemnisation significative, dans des délais que nos voisins européens nous envient. Je compte beaucoup sur les effets de la procédure de sauvegarde pour le faire baisser.

Ces statistiques, Monsieur le Président, sont très encourageantes. En effet le nombre des procédures de sauvegarde ne peut être comparé à celui des liquidations judiciaires. Il s’agit là, comme vous le soulignez, d’une procédure nouvelle, d’anticipation, dont l’initiative appartient au monde économique et non au monde judiciaire.

Les chiffres sont d’autant plus remarquables qu’ils révèlent la très grande diversité de ceux qui ont eu recours à la sauvegarde et son exceptionnelle diffusion sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, ce sont plus de 60% des juridictions habilitées à ouvrir des procédures de sauvegarde qui ont déjà été saisies. Par ailleurs, la sauvegarde a été conçue pour être au service de toutes les entreprises, les plus grandes comme les PME et les TPE. Ce message a été manifestement bien reçu.

Au-delà d’un bilan statistique, nécessairement partiel, les perspectives d’avenir de la procédure de sauvegarde sont d’ores et déjà très favorables du fait de la façon avec laquelle elle est perçue.

Cette perception a été mise en évidence notamment par la presse, lors de l’ouverture de plusieurs procédures à fort retentissement, décrivant la sauvegarde comme la « mise sous la protection de la justice », destinée à éviter le « dépôt de bilan » qui stigmatise, lui, le redressement judiciaire. A la méfiance et au pessimisme semblent avoir succédés la confiance et l’espoir. Or, l’avenir de la sauvegarde dépend en grande partie de l’absence de réticence de la part des débiteurs à la demander en temps opportun. J’ai placé, lors des débats parlementaires, la confiance au cœur du message que j’ai souhaité délivrer, permettez moi de penser que j’ai été entendu.

La loi de sauvegarde des entreprises modifie déjà votre façon de conduire les procédures. J’ai évoqué la sauvegarde mais il convient également de citer la liquidation judiciaire.

De nombreuses juridictions ont mis en œuvre la liquidation judiciaire simplifiée, avec succès et certaines ont déjà été en mesure de clôturer des dossiers ouverts en 2006. Le pourcentage habituel de 5% de clôtures au terme d’une année de procédure apparaît désormais ne plus être qu’un mauvais souvenir. J’insiste auprès de ceux d’entre vous, qui seraient encore réticents qu’ils ont à ce sujet à répondre à une obligation de résultat.

Les missions et la vocation respectives de vos professions sont désormais mieux identifiées. Il est essentiel qu’elles soient comprises, notamment par les juridictions, et effectuées dans la complémentarité hors de toute concurrence ou de toute rivalité.

Je souhaite une plus grande homogénéité dans la désignation des administrateurs judiciaires par les juridictions. Certains excès ont pu être constatés, de désignation systématique alors que la situation du débiteur et l’issue malheureusement liquidative de la procédure sont connues dès son ouverture. Mais il n’est pas contestable qu’il est utile à certains chefs d’entreprise, même si elles sont de très petite taille, d’avoir à leur côté un administrateur pour les aider à préparer un plan.

Le projet de réforme de votre tarif qui vient d’être adressé au Conseil d’Etat, a été adapté afin qu’un équilibre puisse être obtenu entre une juste rémunération et les frais mis à la charge de l’entreprise concernée. Ce texte est le résultat d’un consensus au terme d’un dialogue fructueux au cours duquel je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir souligné que vous avez été écouté. Vous avez même été, sur de nombreux sujets, entendus.

Ce décret entrera en vigueur au 1er janvier prochain. Il marquera l’achèvement de la refonte de la totalité des textes avec lesquels vous étiez familiers.

Monsieur le Président,

Vous avez développé devant nous les engagements de vos professions et exprimé des souhaits pour l’avenir, alliant un principe de responsabilité à un effort d’imagination. Vous avez soutenu, et je vous crois, que vous êtes à même de relever un nouveau défi. Je me permets donc d’insister sur ce à quoi doivent tendre désormais vos efforts, en me référant à l’essentiel de vos engagements, relatifs à la formation, à la communication et au respect des règles, mais en vous en proposant quelques autres.

En premier lieu, vous êtes secondés pour assurer vos missions. Vos collaborateurs, que je salue, vous sont précieux. Je sais que vous avez bon espoir de conclure avec eux une convention collective, que vous élaborez depuis plusieurs années. Je forme des vœux pour son adoption dans les tous prochains mois.

En deuxième lieu, les prérogatives de votre Conseil national doivent être renforcées et son intervention accrue auprès de vous. Bien sûr l’objectif ne peut être de créer un ordre professionnel. En revanche, je souhaite à la fois une refonte complète de vos règles professionnelles et l’extension de leur champ. Dans le même temps il est nécessaire que vous mettiez en place l’Observatoire économique nécessaire à une meilleure information.

Plus encore, la réécriture des logiciels comptables de vos études s’impose. Ils ont représenté, par leur conception, il y a cinq ans, une avancée considérable, mais ils doivent être à nouveau définis pour être adaptés aux règles nouvelles et être plus fiables. Un principe d’agrément triennal devra être adopté. Je suis conscient de la charge en temps et en coût qui est nécessaire pour mener cette rénovation à terme, mais c’est aujourd’hui une priorité pour vous.

L’achèvement de la publicité par la voie de l’Internet de la totalité des actifs, mis en vente par la totalité des études est également une priorité. Obligatoire depuis le 1er janvier 2006, il semble que cette publicité peine à être effective. Parmi le contrôle du respect des règles doit figurer en 2007, Monsieur le Président, celui du respect de cette obligation.

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Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Au-delà de ces préconisations et de cette feuille de route je tiens à conclure mon propos par une note résolument optimiste. L’ampleur des efforts qui ont été les vôtres au cours des dernières années pour adapter l’exercice de vos professions pour moderniser vos études, pour vous former, pour vous organiser collectivement et vous mobiliser est tel que ce qui reste à accomplir le sera sans peine. Votre conclusion, Monsieur le Président, alliant le sens de la responsabilité à celui de l’humanité, est la meilleure qui puisse être trouvée pour ceux qui œuvrent pour le bienfait des entreprises en difficulté. La loi de sauvegarde des entreprises est un outil qui va vous permettre de donner toute la mesure de vos talents.

Voilà pourquoi je tiens à témoigner devant vous aujourd’hui de toute la confiance que j’ai dans les professions d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, de mon estime pour l’action de chacune et de chacun d’entre vous et de ma reconnaissance pour l’action que vous conduisez chaque jour.

Je vous remercie.